Rendez-vous

Le Chasen était apparemment un endroit réputé et honorable, enfin, c'est ce que pensai Midori, qui d'un pas rapide comme à son habitude, traversait les rues peuplées afin de pas avoir une seule minute de retard. Elle ne remarquait d'ailleurs pas les regards intrigués des passants, curieux ou bien outrés par l'accoutrement et l'attitude de l'etrangère.
L'assistant de Fileagan lui avait précisé ce qu'elle devait faire. Il n'y avait rien de plus simple. Retrouver cette "Meiko", lui faire comprendre qui elle etait, et puis, attendre sagement la suite des evenements.
C'était pourtant une très belle journée, un soleil eblouissant, une brise legère mais agreable, et des habitants aussi agités que bruyants, vantaient leurs etalages de produits dans la langue Japonaise, familière à la jeune femme.
Midori ramena d'un geste gracieux une de ses mèches de cheveux, puis elle poussa un petit soupir de soulagement en apercevant l'entrée du Chasen.

Elle rentrait discretement, puis jetai un coup d'oeil aux alentours.
Des hommes. Il n'y avait principalement que de ca, tous accompagnés d'une Geisha, buvant tranquillement leurs thés et bavardant de choses et d'autres. Pendant un moment, elle repensa aux bars malfamés qu'elle fréquentait dans le futur. Tout là bas n'etait que vulgarités et irrespect. Ici, tout semblait différent. L'honneur semblait de mise, et malgré l'envie de certains d'effleurer la peau de l'une des nombreuses beautés présentes, ils s'y refusaient tout bonnement, n'y goutant qu'avec les yeux.

Comme elle s'y attendait, plusieurs des personnes rassemblées ici tournèrent la tête vers elle. Puis d'un air gêné, chuchotaient quelques mots à l'oreille de leurs convives.
La tenue de Midori n'était vraiment pas des plus appropriée, mais pour le moment, ce n'était pas encore le plus important, il lui fallait trouver Meiko. Elle fouilla du regard la salle, et crut apercevoir une belle femme aux cheveux longs. Une autre Geisha l'accompagnait, lui disait quelques mots, puis s'eloignai, permettant ainsi à Midori d'affirmer ce qu'elle pensait.Mademoiselle Hatsukoi n'etait qu'a quelques mètres.
C'est à ce moment là qu'une sonnerie bruyante retentit dans le sac de Midori. Poussant un juron, elle l'eteignit rapidement, faisant bien attention à ce que personne ne voit cet etrange engin qu'était le telephone portable. L'objet avait completement rendu l'âme. Normal, à une epoque pareille, ce genre de choses etaient loin d'exister.
Dans tous les cas, le bruit strident avait certainement eveillé l'attention de Meiko...

*Si le hasard ne fait pas bien les choses...*

Déjà tant d'heures avec Monsieur le Conseiller de l'Empereur. Bien sûr, un Empereur ne se déplace pas dans sa capitale, encore moins dans un salon de Geisha, mais ses subordonnés, eux, ont droit au bon temps. L'homme avait rendez-vous avec le chef de l'Armée Japonaise. Une élite toute nouvelle qui avait remplacé les samouraïs très récemment, raison principale de la nouvelle rebellion contre le Shogunat dont les éclats faisaient rage aux portes d'Edo. Mais ça, Meiko n'était pas censée s'en soucier.

Aujourd'hui, elle l'accompagnait, et écoutait, assise en face de la Geisha qui était apparue au bras de leur convive, les nouvelles quant à cette guerre civile de plus en plus violente. Les deux jeunes femmes avaient pour devoir de ne pas ciller, ni les regarder pendant qu'ils parlaient, ne surtout pas broncher, comme si elles ne pouvaient les entendre, mais face à la gravité de leurs propos, elle ne pouvaient s'empêcher de s'échanger quelques regards entendus.

Meiko était inquiète, une guerre civile proche d'Edo mettait en péril son secret. Et ses protégés. Si les samouraïs prenaient d'assaut la ferme pour en faire une avant-garde, ça serait la catastrophe, et son arrêt de mort.

En y repensant, aujourd'hui encore, son père lui avait fait savoir que de nouveaux agents viendraient à elle. Parfait, son temps de "location" était presque écoulé. Dans quelques minutes, elle serait libérée et retournerait s'habiller à l'Okyia pour son prochain travail. Cependant ça ne se passa pas comme prévu. Cet homme avait la fâcheuse habitude de ne plus se soucier des moeurs du passé et de la vie de sa fille, ainsi se fichait-il de la compromettre en envoyant des individus pour le moins "distrayants" au beau milieu du célèbre Chasen. C'est ainsi qu'une nouvelle venue fit une entrée remarquée, vêtue d'un jean et d'une chemise. Meiko la vit, comme tout le monde, mais détourna vite la tête avant d'être repérée. Malheureusement, Ayumi, son amie et compagnonne de mauvaise fortune ce jour là se pencha vers elle pour commenter l'arrivée de la jeune femme et prononça distinctement son nom. Pile le moment choisi pour que le portable -et oui, Meiko connaissait- de l'inconnue sonne. Ce fut le signal d'alarme. La jeune geisha se leva à peine une minute plus tard pour ne pas qu'on assimile son départ au bruit survenu et pretexta au Conseiller qu'il était resté plus longtemps que prévu, alors qu'elle se devait de respecter ses engagements ailleurs. Il la libéra donc et Meiko, après maintes courbettes, sortit du Chasen en lançant un regard explicite à la jeune inconnue alors qu'elle la croisait.

Une fois dehors, Meiko ne s'arrêta pas, elle se fiait aux petits pas pressés qui la suivaient pour être sûre qu'il s'agissait son 'rendez-vous' qui la rattrapait. En fait, la jeune femme était quand même pressée, sa file, Jun, l'attendait, elles ne se voyaient pas beaucoup. Pourtant, au lieu de retourner à l'Okyia, elle bifurqua et entra dans un vaste magasin de tissu.

Il vous faut de quoi vous habiller, tout le monde vous regarde... Oh euh... Excusez mon impolitesse, nous ne nous connaissons pas après tout, c'est juste que... pour le moment je ne suis pas amie avec tous les agents.

Bien que le seul autre agent fut Kira pour le moment, ce n'était pas vraiment un mensonge, elle ne l'aimait pas et savait qu'ils allaient former deux camps adverses sans vraiment qu'il le sache. Et elle était de nature discrète, les regards prostrés sur elles dans la rue l'avaient mise sur les nerfs.

Une vieille japonaise au regard interrogateur sortit de l'arrière boutique et commença à prendre les mesures de Midori sur la demande de Meiko. Un simple kimono ferait l'affaire en attendant, la geisha n'avait pas le droit de dépenser son argent seule, il revenait à son Okyia. EN cinq minutes, la vieille vendeuse découpait déjà les vêtements. Pendant ce temps, Meiko attira Midori dans un coin de la pièce.

Votre nom est Midori, n'est-ce pas? Vous allez loger non loin d'ici, dans ces chambres d'hôtes. Votre travail ne commencera que lorsque les next-gens reviendront à eux. En attendant, prenez vos repères, c'est un conseil, vous allez devoir les reconnaître, les suivre, et les tester. Les tester, ça sera les mettre dans des positions gênantes, il ne faut pas hésiter à les faire repérer par l'armée, une épreuve de force les forgera vite. Ceux qui mourront, ne vous en occupez pas. Votre boulot est de faire en sorte que les circonstances les entrainent, si vous êtes ici, c'est que vous avez été jugée assez maligne pour semer les embûches sans être repérée.

Meiko marqua une pause. Tout en disant ceci, elle avait tendu une sorte de carte avec le nom et l'adresse des chambres d'hôtes à Midori, où elle serait rejointe par les autres agents. Carton et stylo du futur. En ce qui concernait ses paroles, elle les avait prononcé aussi durement et directement que possible. Elle voulait voir, savoir, si faire ce travail ne dérangerait pas la recrue, ou s'il se pourrait qu'il la répugne.

S'il y'a un problème, n'hésitez pas à m'en faire part.

Midori avait poussé un petit soupir de soulagement, la jeune femme avait entendu la sonnerie et une minute plus tard, trouvait une excuse afin de s'occupper de la nouvelle recrue. Elle la regarda passer, remarquant le temps d'une seconde le faux air qu'elle se donnait. Elle voulait être discrète, et son visage exprimait sans qu'elle ne le remarque certainement une nervosité et une impatience evidente.
Face au regard entendu, elle la suivit ainsi sans protester. C'était donc ainsi que cela se deroulait...Meiko lui précisa qu'elle devait trouver de quoi s'habiller, tout en s'excusant. Midori ecoutait, mais ne repondit pas un seul mot, comme à son habitude.

Cela faisait quelques minutes qu'elle suivait la Geisha au pas rapide, jusqu'a ce que leur course s'arrête à une sorte de magasin de tissus de l'epoque. Rapidement, les mesures de la nouvelle furent prises, et aussitôt fait, la vieille vendeuse s'occuppait deja de confectionner un vêtement.
Midori suivit de nouveau Meiko, elle semblait vouloir enfin lui parler, et certainement lui expliquer sa mission en tant qu'agent. Ainsi face à face, elle enregistra attentivement tout ce qu'elle lui disai. Lorsque Meiko précisa qu'elle devait être sans pitié avec les next-gens lorsqu'elle les mettrait à l'epreuve, elle ne cilla pas, mais une sorte de frustation s'empara d'elle, montant du fond de ses entrailles jusqu'a sa gorge.
Elle prit le petit carnet d'adresse et le stylo et rangea le tout dans son sac. Elle ne savait pas réellement quel etait le rôle de Meiko, mais pour le peu qu'on lui avait dit d'elle, il lui semblait qu'elle pouvait être la seule à la comprendre. De telles manipulations etaient horribles aux yeux de Midori, et il lui fallait donc trouver les mots les plus brefs et précis.

La dernière phrase de la Geisha obligea Midori à tenter d'expliquer sa situation, en etant aussi discrete que possible, autant pour sa vie, que pour celle de Meiko.

"Je vous avouerai que si j'ai accepté de travailler en tant qu'agent pour Fileagan, c'était pour une bonne raison...Mais traiter un Next-gen de cette manière n'est pas réellement mon but le plus précis."

Elle trouva le plus vite possible ses mots, elle devait parler de "lui", cela lui était toujours difficile.Elle devait être directe et franche.

"Le corps d'un membre de ma famille à disparu apres sa mort. Et il se pourrait bien que je fasse ce que je peut pour nuire à ce cher Docteur Fileagan si j'apprend qu'il l'a manipulé génetiquement, tant que ma présence aupres d'eux ne leur est pas suspecte."

Elle fixa la jeune femme d'un air soucieux, esperant avoir expliqué la situation à la bonne personne. Si jamais cela n'etait pas le cas, il se pouvait surement que son compte serait reglé lorsqu'elle arriverait aux chambres d'hôtes.

"Je peut seulement vous assurer que je ferai tout et n'importe quoi, même si cela me met en peril."

Son regard auparavant calme, brillait d'une determination sans egal, tandis que pourtant tout au fond de son être, la douleur la rongeait encore.

[HJ :J'ai édité mon premier post, et j'espere que celui ci n'est pas trop "direct" lol]

[ ne t'en fais pas ^^ ]

Meiko écouta Midori sans ciller. Son pire défaut était de toujours regarder les gens dans les yeux de manière intense et plutôt insoutenable. Une façon comme une autre de savoir jusqu'où son interlocuteur était honnête. Cette tendance rendait souvent les autres mal à l'aise, mais elle, au moins, était assurée de chaque parole qu'elle pourrait prononcer en retour sans se trahir. En l'occurence, la jeune Midori lui inspirait une enfant en déroute qui avait besoin d'aide et n'hésitait pas à s'exposer au danger pour atteindre son but. Cependant elles devaient avoir le même âge.

Le principal était tout de même que Midori avait mordu à l'hameçon, et en beauté, elle avait eu confiance en Meiko et lui avait tout de suite fait part de ses sentiments quant à son travail, comme prévu. Et quelle fut la joie de Meiko d'entendre que la nouvelle recrue allait rejoindre ses rangs. Le problème était de lui faire comprendre qu'elles allaient former un groupe de traitres, et que pour le moment, les seuls agents, Kira, et elles deux, allaient devoir se cotoyer sans s'avouer leurs penchants "politiques". Et pire, les agents devaient vivre ensemble, mais Meiko était tenue à ses obligations de geisha et devait vivre dans son Okyia où se trouvait sa fille, Jun, qui devrait d'ailleurs la rejoindre dans peu de temps.

Je comprends. En tant que fille du Dr Hatsukoi, je m'engage à réparer les erreurs de mon père et vous aider.

Meiko s'inclina respectueusement, en gage d'amitié, comme le voulait sa tradition.

Vous savez que vous vous exposez à de grave dangers en me disant tout cela, mais n'ayez crainte, je ne vous trahirai pas, je suis de votre côté, ou plutôt vous du mien. Je compte entrainer le maximum d'agents derrière moi, pour lutter contre le programme AD VITAM. Serez-vous des miens?

Meiko tendit sa main à Midori, elle n'avait plus qu'à la serrer. Accepter, ou refuser. Dans tous les cas, elle serait en sécurité, Meiko ne la dénoncerait pas, mais si la première agent 'seconde classe' arrivée se rangeait directement de son côté, la geisha militante se retrouverait gonflée de confiance quant à l'avenir des gens comme elle. Les agents ne devaient même pas savoir qu'elle était la première next-gen.

Toute fois, avant de vous prononcer, sachez bien que vivre avec les agents qui obéissent aux ordres et encore plus dangeureux. Vous allez devoir tenter d'approcher les next-gens sans qu'ils se doutent de votre identité, et sans que les autres agents ne s'en rendent compte, ainsi que cacher votre "camps" à tous le monde. Ceci sera encore plus dur que de survivre en tant que véritable agent. Vous n'aurez aucun ami à part ceux qui me suivront, plus tard, nous nous allieront véritablement aux nexts-gens si jamais le besoin s'en fait ressentir, mais jusque là, même si vous croisez votre frère dans la rue, si vous bronchez, il est abattu, et vous aussi. Comprenez-vous votre situation? Ne choisissez pas à la légère. Kira Tenshi est un très bon agent aussi, il est droit, mais il obéit à Fileagan.

Midori ne s'était pas trompée. A un certain moment, elle s'était mise à douter vu le regard determiné et sans faille de son interlocutrice. Mais Meiko lui assura bien vite qu'elle l'aiderait afin de reparer les erreurs de son pere. A ces paroles, la jeune femme eut un petit pincement au coeur. Elle s'etait mise à la place de Meiko, son travail ne devait pas être facile. Elle etait courageuse, c'est ce qui touchait Midori.
Elle s'inclina ainsi juste apres que Meiko l'ai fait, un peu maladroitement, mais elle tenait à le faire, sachant que ce geste etait un signe de respect, d'amitié.

Elle ecouta ce qu'elle lui dit par la suite. Elle ne craignait en aucun cas le danger qui la menacerait. Certes, cela serait terriblement tragique si elle mourrait avant d'avoir pu retrouver son cher frère, mais elle serait morte pour une juste cause.
Elle comprenait de plus en plus à quel point sa mission allait être dure, elle devait concilier son envie d'aider les next-gens et repondre aux attentes de Fileagan et d'Hatsukoi. Elle savait qu'elle serait solitaire pendant un bon moment, tant que de nouveaux agents ne feraient pas leurs apparitions, mais elle comptait bien tenir le coup.
Elle eut le reflexe de se mordre legerement la lèvre lorsque Meiko lui rappella qu'elle ne devait surtout pas reagir si elle rencontrait son frère, sous peine de se faire abattre. Mais si lui n'etait pas au courant? Elle se sentit tout à coup un peu idiote. Son frère et elle avaient toujours su se comprendre en un seul regard. Il comprendrait, elle en etait sure et certaine. Leur complicité n'aurait jamais été alterée.

Midori n'hesita pas, elle accepta la main que lui tendait Meiko et la serra, tout en souriant legerement.

"Je serai des vôtres Meiko Hatsukoi. Et je m'engage à ce que personne n'apprenne notre engagement. Quitte à être executée sous vos yeux."

Elle ne souhaitait pas être defaitiste, mais la mission etait si perilleuse, que Midori preferait mourir decouverte par les agents du docteur Fileagan, que rester en vie en denoncant la traitrise de Meiko.

"Kira Tenshi? Il me semble l'avoir déjà rencontré...Mais quoi qu'il en soit, je me mefierai."

Elle jeta un bref regard autour d'elle, tout en lachant doucement la main de Meiko. Il ne fallait pas qu'elles tardent trop.